La dune du Pilat
Moi,
la dune du Pilat, j'aime. J'y étais allée il y a fort longtemps,
lorsque mon troisième fils était dans la poussette et le quatrième
pas encore né. Je ne me souvenais plus du tout du site, seulement du
nom. Cette fois, je n'ai pas pris l'escalier (encore plus aménagé
que dans le temps), mais je suis montée par le côté, là
où le sable fin est tellement meuble qu'à chaque pas nous reculons
d'un demi-pas.
Cela
m'a donné chaud et je faisais des pauses pour me retourner et regarder
la forêt qui grandissait derrière moi. En haut, elle est devenue
immense et s'est étendue à perte de vue. Son odeur forte de
pin et de résine se mêlait aux odeurs iodées apportées
par le vent du large qui soufflait fort à cette altitude. Cédric
s'est cru revenu à Durney, tout au nord de l'Ecosse, et a repris son
entraînement intensif de sauts périlleux arrière. Les
autres enfants s'en sont aussi donnés à coeur joie, se jetant
du sommet dans la pente sableuse.
Pendant
ce temps, j'ai joué à Lawrence d'Arabie. Je suis partie sur
la crête, parcourant la dune sur presque toute sa longueur, et j'essayais
de me concentrer sur les ondulations blondes pour m'imaginer dans le désert.
J'y
arrivais presque, n'eussent été ces odeurs entêtantes
de résine et d'iode : à ma gauche, une mer de pins vert sombre,
à ma droite, la beauté du Banc d'Arguin éclairé
par le soleil filtrant à travers des nuages de plus en plus effilochés.
Situé à l'entrée du Bassin d'Arcachon, entre le Cap-Ferret
et la dune du Pilat, cet ensemble de bancs de sable à fleur d'eau offre
tous les dégradés de couleurs du blanc éclatant au vieux
rose, en passant par des pastels de jaune et de gris-bleuté sous une
mince pellicule d'eau : un enchantement pour le regard. Au large, une ligne
d'écume blanche, frontière entre la grande houle océane
et le calme factice de cet univers hybride, simule le heurt des vagues sur
une barrière de corail.
Le guide du bateau nous dira dans l'après-midi que le Cap-Ferret se
désagrège peu à peu sous l'action conjuguée du
vent, des courants marins et des vagues hivernales pour alimenter le Banc
d'Arguin d'abord, puis la dune du Pilat ensuite, qui voit sa hauteur croître
progressivement.
Des
travaux herculéens d'enrochement ont été entrepris pour
combattre cette érosion rapide et féroce, car nombre de villas
luxueuses qui sont implantées là risque de disparaître
dans un avenir pas si lointain.
Depuis
le 4 août 1972 a été créée la Réserve
Naturelle du Banc d'Arguin. D'une superficie d'environ 1 000 ha (terres émergées
et domaine public maritime dans un rayon d'un mille marin), elle est située
sur la commune de La Teste-de-Buch et comprend des îlots sableux, des
dunes, la mer où vivent 9 espèces d'oiseaux nicheurs dont la
sterne caugek, ainsi que le grand dauphin (que nous n'avons pas aperçu,
bien que je l'aie cherché l'après-midi, lors de notre balade
en bateau). Les plantes des dunes, dont la linaire à feuilles de thym,
sont protégées au niveau national. La
cabane du gardien est amenée chaque année en début de
saison estivale et remportée à l'automne à l'abri des
côtes. Son travail est d'interdire l'accès des zones protégées
par des grillages et de faire respecter la réglementation. Le guide
du bateau commente : le nombre d'estivants sur le banc d'Arguin peut dépasser
les 400 personnes, et il est fréquent d'y voir des couples en "position
de reproduction de l'espèce". Difficile de verbaliser dans ces
situations délicates...
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