Ramona sous son casqueNous passons devant un pré où paissent des chevaux aux dimensions impressionnantes. Je n'en ai jamais vu avec d'aussi grosses pattes. Un peu plus loin, nous longeons une ferme flanquée d'une basse-cour avec poules, canards, oies et dindons. Des chiens tirent sur leurs chaînes en aboyant éperdument : nous sommes l'attraction du moment. Heureusement, la route n'est pas trop mauvaise, goudronnée au début, puis caillouteuse avec quelques flaques boueuses où Carmen chute, en voulant les éviter. L'Adour : reflets d'un bois de peupliersNos postérieurs souffrent un peu, surtout au retour, mais rien de dramatique, c'est à cause du manque d'habitude. Peu de fréquentation automobile, seuls les riverains y circulent à une vitesse raisonnable. Nous ne sommes pas inquiets pour les enfants, particulièrement les trois benjamines, dont la conduite est encore un peu zigzagante. Les jeunes ados peuvent faire également des pointes de vitesse ou du gymkhana entre les vélos sans courir grand risque. Je ne me lasse pas de regarder le paysage, particulièrement les reflets des arbres sur le cours d'eau et les jeux de lumière à travers la végétation très variée. C'est superbe ! Nous faisons de petites pauses pour attendre les retardataires près des mûriers où les gourmands grappillent à plaisir. Des champignons poussent sur les bas-côtés, dans l'herbe mêlée de mousse qui retient l'humidité.

LamproieTrémailLe panneau suivant signale la présence d'une mare à nénuphars. Elles ont été créées lors de la construction de la digue sur laquelle nous roulons et colonisées notamment par les nénuphars et les mauves. Les bihoreaux viennent y pêcher avec leurs petits, de même que des martins pêcheurs, et des grappes de chauve-souris se suspendent aux arbres morts. Quelques uns d'entre nous voient une tortue dans la mare (la cistude, dont le nom scientifique et le dessin figurent sur le panonceau : elle peut avoir jusqu'à 30 cm de longueur, se nourrit de petits animaux et peut vivre jusqu'à 100 ans !), par contre, personne n'aperçoit de serpent (ce dont aucun ne se plaint).

Deux pêches traditionnelles se pratiquent dans l'Adour. En ce qui concerne la pêche à la lamproie, elle utilise un "trémail" (ou tramail), filet particulier qui se compose d'un filet à petites mailles de 5 cm environ de côté (n°2) avec de chaque côté un autre filet à grosses mailles de 20 cm de côté (n° 1a et 1b). Ce filet est jeté dans le fleuve et le pêcheur le laisse dériver quelque temps. La lamproie passe à travers les grosses mailles et, coincée par le filet du milieu à petites mailles, elle forme elle-même une poche dans laquelle elle se retrouve prisonnière (schéma n°2). Le pêcheur relève alors le filet avec les poissons accrochés dedans. AnguilleQuant à la pêche à la pibale, elle est encore plus particulière. Toutes les anguilles d'Europe vont pondre dans la mer des Sargasses (dans l'Océan Atlantique) des oeufs qui donnent naissance à des pibales (ou civelles). C'est durant leur troisième année que ces alevins plats de 5 à 6 cm arrivent sur les côtes européennes. Cette migration, découverte en 1920, reste encore mystérieuse... Lors des inondations ("aygade" en gascon) ou lorsque la marée descend, la pibale s'ensable au fond du fleuve. Elle attend ainsi la marée ascendante, surtout par fort coefficient, pour remonter le courant fluvial durant les nuits sans lune. Lamproie prise dans le trémailD'octobre à mai, les pêcheurs attirent, avec une lumière, les pibales dans un tamis ("cedas" en gascon). Lamproies mâle et femelleLes captures sont mises dans une caisse en bois trouée pour laisser s'écouler l'eau car, si la pibale peut vivre des heures à l'air libre, elle meurt très vite dans une eau mal oxygénée. Ce poisson, très prisé par les Espagnols, servait en France à faire de la colle. Aujourd'hui, il est vendu très cher, particulièrement aux Japonais pour leurs élevages d'anguilles.

Evidemment, boueuse comme elle l'est, nous ne risquons pas de voir le moindre poisson dans l'Adour. Par contre, à l'heure du pique-nique à Saubusse, dans un très joli cadre, j'observe un drôle de phénomène dans une petite mare envahie d'herbes fleuries. Reflets dans l'AdourBanc de poissonsJe voulais voir, moi aussi, une tortue, ou bien une grenouille, et à la place, en observant la surface de l'eau laissée libre par les plantes, j'ai perçu comme un mouvement, une perturbation scintillante qui créait une onde de choc circulaire qui se propageait dans toute la mare. C'était un peu loin, près des herbes, et j'ai d'abord pensé qu'il s'agissait d'un poisson, genre petite carpe, qui gobait les insectes patinant sur le film élastique de l'eau. ChardonsEt puis j'ai vu comme une nuée noire qui avançait à toute vitesse avec de petits clapots captant les rayons du soleil. Tout d'un coup, plus rien, et, un peu plus loin, dans d'autres directions, deux ou trois autres nuages, tout aussi pressés. Banc de petits poissonsIl s'agissait d'une myriade de tout petits poissons (ou de têtards, je ne suis pas sûre), excessivement mobiles et rapides, qui chassaient en bancs et effectuaient des virages très secs, comme s'ils ne faisaient qu'un, et que l'ordre était transmis instantanément à tout le groupe. Parfois, celui-ci se scindait, et le manège se poursuivait séparément pour les deux bancs. C'est amusant comme on découvre toujours quelque chose de nouveau en observant la nature.

 

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