Le pont de Port de LanneIl faut compter une petite heure pour rouler d'Anglet à Port de Lanne, par l'ancienne route de Pau qui traverse une succession de villages à particule, Saint Martin de Seignanx, Saint André de Seignanx, (Biarrotte), Sainte Marie de Gosse et enfin Port de Lanne, peu avant Peyrehorade. Le paysage est agréablement vallonné, et les cultures se succèdent en petits champs entourés de bosquets. Nous sommes dans le sud des Landes, mais nous ne voyons pas de forêt de pins, tous les arbres sont à feuilles caduques. Après avoir atteint Port de Lanne, où nous comptons acheter du pain pour le pique-nique, nous apprenons d'un retraité à bicyclette que la voiture de la boulangère vient juste de partir : ici aussi, l'exode rural a entraîné la défection des commerces et seule l'église trône encore au centre du village aux rues désertes.

Yann, Florian, Adrien et JulienNous retournons sur nos pas pour nous garer avant le pont qui traverse l'Adour, au démarrage du chemin situé sur la rive droite. Les eaux sont limoneuses, d'un brun opaque, mais si calmes que le paysage s'y reflète comme dans un miroir, avec cette netteté caractéristique d'un matin de septembre. Aujourd'hui, nous faisons une balade tranquille, sur le plat, à l'ombre des arbres qui bordent l'Adour, et le long des prés et des champs irrigués par un réseau de canaux. Des panneaux se dressent périodiquement en marge du chemin, arborant le sigle des Pays du Val d'Adour, pour expliquer aux promeneurs tout ce qui peut être intéressant de savoir. Serge, Pierre et YannLe premier panonceau mentionne notamment que le clocher-porche, à peine entrevu lors de notre recherche d'une boulangerie, date de la fin du XVIIème siècle. Il est soutenu par une remarquable charpente en chêne et abrite, sur le pilier ouest, un personnage allongé, imberbe, chauve, l'air paillard, cachant sa nudité d'une main et s'accrochant de l'autre. Il fait suite à un individu aux cheveux longs, avec une houppelande et qui tient une clé. D'autres sculptures, également mystérieuses, ornent l'église.

Rive boisée de l'AdourPort de Lanne (qui possède un site internet d'où sont tirées ces informations, auxquelles s'ajoutent celles des pancartes en bordure du chemin), est une commune de 630 habitants, située dans le pays d'Orthe, non loin de la Chalosse et de la forêt de pins des Landes, un peu en amont du confluent de l'Adour et des Gaves réunis (de Pau et d'Oloron). Par vent du sud, on peut apercevoir la chaîne pyrénéenne à l'horizon. Au croisement de la route et du fleuve, ce port prit son essor dès le XIVème siècle, mais son apogée eut lieu aux XVIIème et XVIIIème siècles. En 1765, un chroniqueur écrivait : "Port de Lanne est couvert de quantités de bateaux de toutes grandeurs." Maquette de gabarreLes bateaux de bois à fond plat de l'Adour (gabarres, ou gabares, ou galupes, couralins...) transportaient les richesses du terroir : vins de Chalosse et de Tursan embarqués à Hinx, Saint Sever et Mugron, eaux de vie d'Armagnac à Mont de Marsan, vins de Jurançon à Peyrehorade, céréales à Mugron, résine, goudron, cire à Dax, bois, pierres, sables, etc... à Saubusse, Port de Lanne, Sainte Marie de Gosse, Bidache, Guiche, et aussi du jambon ou du sel......

Les bateliers profitaient du flux et du reflux pour acheminer les marchandises. Le chenal était entretenu naturellement grâce à la construction d'épis qui, en rétrécissant le lit, permettaient aux courants de draguer le fond. La descente du fleuve se faisait à l'aviron et en cas de fort courant, on se contentait de laisser courir "hâ hop". Pour la remontée, les gabariers avaient recours à la voile et au halage humain ou animal (boeufs, mules...). Le relais de poste jouxtait le débarcadère. On reconnaît ses anciennes écuries à leurs trois portes cochères arrondies. Avant la construction du pont actuel, un bac de 9,50 m de long sur 2,50 m de large et, pour les piétons, un batelet, faisaient traverser le fleuve. Le passeurEn 1776, par un grand froid, le lit du fleuve s'était solidifé et les charrettes passaient directement dessus. En décembre 1829 et janvier 1830, le thermomètre descendit de -10° à -15° sur une longue période. L'Adour et la Bidouze étaient en partie gelés, et au dégel "de grands glaçons" encombraient les cours d'eaux. « Le vin a glacé dans la barrique, il est tombé de la neige en très grande quantité, des toits de maison ont écroulé sous son poids » note le maire Lapébie, à Guiche, le 15 février 1830. De graves inondations ponctuent le XIXème siècle, en 1830, 1856, 1879 et le clôturent en 1899. (J. Garat p 116, 124, 298, 357) (A. Bareigts p 175 ). C'est le 25 janvier 1864 qu'est inaugurée la ligne de chemin de fer Bayonne / Toulouse. Après avoir décliné, l'activité du port reprend vers 1885 avec les poteaux de mines, la pierre de Bidache ou de Tercis, mais après la guerre de 14, les gabarres disparaissent une à une. (Cf. le livre "Les derniers gabariers et les derniers pêcheurs de l'Adour" de Louis Larbaigt).

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