Irlande (Dublin et Wicklow Mountains)

 


Séjour du 11 au 14 février 2006

Participants : Richard, Sabah, Sammy, Xavier, Michèle, Julien, Jérémy, Jean-Louis et Cathy



Le récit de Cathy

Dublin me fait penser à l'Espagne. Ce n'est pas une ville franchement belle, mais on la sent dynamique, vivante, active, exubérante même et avide d'indépendance. Je fais le pari que, dans 10 ou 15 ans, elle sera métamorphosée. L'air y est doux (11°C), en ce mois de février, bien que, comme chez nous, il y ait eu quelques jours de neige le mois passé. Le ciel est couvert et parfois une bruine humecte les trottoirs sans émouvoir les autochtones dont les tenues vestimentaires vont de l'hivernal au très déshabillé (parfois même vraiment provoquant chez les jeunes filles).

Si l'on en juge par l'histoire, l'Irlande devrait être anglaise et assimilée depuis longtemps. Pourtant, depuis sa récente indépendance et son entrée dans l'Europe, elle tente par tous les moyens de marquer sa différence. Elle n'est pas dans l'architecture de sa capitale dont les maisons géorgiennes de brique rouge ne dépareraient pas à Londres, mais dans sa signalétique bilingue gaélique-anglais, dans sa bière (la Guiness) et surtout dans le comportement "latin" de ses habitants qui s'expriment fort, gesticulent, le visage animé, et ne semblent jamais s'être imprégnés du phlegme britannique.

 

 

 

 

 

 

 

Dublin nécessiterait un bon ravalement de façades, mais elle a d'autres priorités. Comme en Espagne, les grues foisonnent, le très moderne (verre, béton, acier) avoisine l'ancien (brique), des bâtiments, voire des quartiers entiers sont démolis, et les chantiers se multiplient, y compris sur l'avenue historique du centre ville percée de part en part. De larges rues sont entièrement piétonnes, peu de voitures sont garées le long des trottoirs, la majorité étant aiguillée vers des parkings aériens, immeubles semblables aux autres. Une circulation dense de tramways (aux lignes futuristes), bus, taxis n'arrive pas encore à éviter les bouchons biquotidiens des banlieusards : il faut dire que l'agglomération contient le tiers de la population de l'Irlande. Les vélos (nombreux) ne sont pas oubliés, qui disposent de voies plus ou moins spécifiques, mais pas partout : les cyclistes sont donc souvent équipés de ces gilets jaunes ou bandes fluorescentes, espérant être vus (et évités) lorsqu'ils se faufilent dans le flot bruyant de la circulation.

Des caméras sont postées à tous les coins de rues, un timbre répétitif aux passages piétons indique aux malvoyants s'ils peuvent traverser (rythme lent pour attendre, accéléré pour se dépêcher de passer), très pratique pour les gens qui, comme nous, ne savent jamais s'il faut regarder à gauche ou à droite. A l'entrée des pubs ou des restaurants, particulièrement à Temple Bar, le "quartier chaud" et touristique, des vigiles filtrent les clients. Le soir, les policiers se multiplient soudainement, attrapent à la volée les jeunes qui portent une bouteille d'alcool et les obligent à la jeter à la poubelle la plus proche. Assez curieusement, les fumeurs sont postés de part et d'autre des rues, aux portes des immeubles, des bars, restaurants, hôtels : interdiction absolue de fumer à l'intérieur. C'est génial ! Enfin on respire ! Par contre, les trottoirs sont jonchés de mégots (et de chewing-gums écrasés, mais pas une seule crotte de chiens, inexistants dans cette ville).

 

Molly Malone, la vendeuse de coquillages

Nous sommes contents : ici, les enfants sont plus largement admis dans les restaurants qui sont également moins chers qu'à Londres. Le centre ville est petit, nous pouvons tout visiter à pied, traversant chaque matin la Liffey ("lifi") qui partage la ville en deux quartiers, l'un "chic" et l'autre moins cossu. Dublin n'a que peu d'espaces verts, deux parcs et quelques arbres sur des trottoirs, dénudés en cette saison. Entre les immeubles bas, on aperçoit les ondulations des "montagnes" (collines) environnantes. A O’Connell Street est érigé le monument controversé du "Spire", sans signification aucune, 5 millions d'Euros pour une colonne conique de 120 mètres qui en paraît le triple tant elle est élancée.

En un jour et demi, et en groupe en plus, on ne peut pas tout voir, il faut faire des choix. Nous avons donc surtout déambulé et écouté les chanteurs de rues, regardé les façades, les vitrines et les gens, admiré les reflets des nuages à la surface de la Liffey et du petit lac d'un parc de la ville où évoluaient des colverts, des goélands et des cygnes. A la base d'une colonne où était gravée la lyre emblématique de l'Irlande, figurait l'inscription suivante : A Charles Stewart Parnell (XIXe s., homme politique champion du Home Rule), Aucun homme n'a le droit de fixer des limites à la marche d'une nation, Aucun homme n'a le droit de dire à son pays "Tu pourras aller jusque là et pas plus loin", Nous n'avons jamais tenté de fixer de limite au progrès de la nationalité irlandaise et nous ne le ferons jamais.

Lorsqu'on a visité la cathédrale de Burgos, celle de Saint Patrick paraît bien austère. La seule partie qui m'intéressait n'était pas accessible au public : c'était celle réservée aux moines dont les sièges, comme toujours, étaient ornés d'inscriptions et de peintures originales mais malheureusement trop éloignées de la barrière pour que je puisse bien les voir.

Michèle, Jean-Louis et moi avons tenu à découvrir la bibliothèque de l'université de Dublin, très ancienne, fondée par Elisabeth 1ère en 1592 : elle est d'une beauté à couper le souffle (photos interdites, celle ci-contre est extraite d'une brochure). Agrandie plusieurs fois pour y contenir une collection toujours croissante de livres, elle est surnommée le "long room", pour ses 64 mètres de longueur, avec une mezzanine et une voûte lambrissée qui lui donne un cachet extraordinaire, sans parler de l'odeur et de l'atmosphère caractéristiques procurées par ces milliers de livres anciens, classés essentiellement par taille et ordre d'arrivée, d'origines internationales et de sujets très ecclectiques.

Au rez-de-chaussée, il faut voir absolument l'exposition du "book of Kells", manuscrit aux enluminures magnifiques créé en l'an 800 de notre ère dans un scriptorium monastique, très bien mis en valeur par des panneaux lumineux et des mini-reportages filmés sur la fabrication du vélin et la reliure de l'époque, ainsi qu'une vitrine exposant les pierres utilisées pour fabriquer les encres de différentes couleurs. Sont aussi montrés les livres de Durrow, d'Armagh et de Dimma datés respectivement de 700, 807 et 1150 de notre ère. Nous y sommes restés malheureusement trop peu de temps, il faut vraiment faire très attention aux horaires qui ne sont pas toujours ceux indiqués sur les brochures.

Pour parler de sujet plus prosaïque, chaque soir, après avoir mangé (très convenablement et copieusement) avec les enfants dans un restaurant sympathique intitulé le "Bad Ass Café" (Café du vilain âne) à Temple Bar, nous ressortons pour aller boire une Guinness dans un pub voisin de l'Abraham House où viennent jouer des musiciens. L'ambiance est chaleureuse, les gens, toutes générations mêlées, chantent aussi, tapent dans les mains et se dandinent sur place.

 

 

 

 

 

Pour changer de la ville, nous nous inscrivons pour une visite guidée des Wicklow Mountains le lundi toute la journée. Nous montons dans une espèce de corbillard à 15 places conduit par un Dublinois (Pat Darcy) efficace et sympathique qui nous commente dans un anglais très compréhensible au micro les lieux par lesquels nous passons et quelques morceaux choisis d'histoire d'Irlande assortis d'extraits musicaux enregistrés sur cassette.

Il nous amène tout d'abord sur les hauteurs de Dublin que, par un miracle de la météo, nous pouvons apercevoir jusqu'à son port sur la mer d'Irlande. Puis nous visitons un cimetière allemand : l'Irlande était neutre à la seconde guerre mondiale mais des pilotes allemands se sont perdus, ont été assignés à résidence, se sont mariés à des Irlandaises et ne sont jamais repartis.

Nous poursuivons notre montée à travers des forêts de conifères plantés serrés et une lande de tourbe et de bruyère parsemée de bouquets de graminées desséchées qui donnent un caractère de désolation et d'âpreté au paysage balayé par les vents. Nous retrouvons les sensations éprouvées en Ecosse lorsque nous descendons et marchons dans un sol détrempé jusqu'à un premier lac glaciaire. Des moraines grises ponctuent la lande parcourue de multiples cours d'eau : gare aux chaussures !

Ce qui est très typique d'un paysage de tourbe, c'est la couleur des lacs, noire, et des cours d'eau, rouille à la mousse jaunâtre, marbrée de reflets huileux. L'eau est propre, mais peu attrayante. Nous apercevons de loin la maison (ou fabrique ?) de Guiness en contrebas dans les arbres près d'un lac à la plage blonde. Après avoir mangé de l'Irish Stew (cela s'imposait) dans un tout petit village, nous visitons les vestiges d'un des premiers monastères (6e s.) et d'une des premières églises d'Irlande (10e s.).

Les Vikings sévissant régulièrement dans la région (avant les Anglo-Normands), l'église disposait d'une sorte de petit donjon séparé à la base circulaire et au toit de pierre conique, aux fenêtres de guet disposées selon les points cardinaux et dont l'entrée qui lui faisait face était située à plusieurs mètres de hauteur : en cas de péril, les religieux s'y réfugiaient et tiraient l'échelle. Les moyens de subsistance dans cette haute vallée fertile provenaient essentiellement de cultures et de l'élevage du porc qui se nourrissait de glands de chêne blanc dont le bois servait pour la charpente et le chauffage et la galle broyée donnait de l'encre noire.

Le groupe se sépare après les explications du guide. Jean-Louis et Richard font l'ascension d'un sommet qui domine les deux petits lacs voisins, les autres partent plus lentement et font une longue marche tandis que Michèle et moi, abandonnées alors que nous en étions encore à admirer les croix celtiques à branches égales reliées par un cercle païen du petit cimetière, nous explorons plus pausément les environs et visitons un petit centre éducatif consacré à la connaissance de la nature par l'art, très inventif. Evidemment, tout le monde arrive en retard, et nous bonnes dernières. Pour nous faire pardonner, nous nous faisons déposer en même temps que les jeunes (peu intéressants) d'un autre hôtel qui ne nous ont pas du tout dérangés, et nous effectuons une dernière marche dans les rues de Dublin bondées de monde.

 

 

 

 

 

 


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