Tour du pic du midi d'Ossau
18 septembre 2005
Participants : Xavier ; Cathy et Jean-Louis ; Max ; Richard
Le récit de Cathy
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Tour du Pic du Midi d'Ossau/ Pic de Peyreget
(18 septembre 2005)
6 heures du matin : au-dessus de nos têtes, le ciel
est noir, empli d'étoiles, tandis que la pleine
lune, énorme et lumineuse, surplombe à peine les ar
bres, tous ses cratères, ses "mers" et ses
montagnes bien distincts, même à l'oeil nu. L'air e
st vif, pinçant même, et contraste avec la
douceur passée des matins d'été, où j'ouvrais tout
grand les portes-fenêtres pour m'éveiller
avec le chant des oiseaux bavards et volubiles. Tro
uverons-nous la neige, là-haut, sur la
montagne ? Il pleuvait si fort, l'autre jour, à Ang
let, et la température a baissé si brusquement.
En sortant de l'autoroute à Artix, avant Pau, je m'
inquiète : bien que l'atmosphère conserve
une limpidité et une transparence rares, une barre
de nuages surmonte les Pyrénées : est-elle
située en avant de la chaîne, ou bien pile au-dessu
s ? Peut-on la qualifier de "brouillards
matinaux" un peu épais et élevés, ou annonce-t-elle
une perturbation à venir ? Richard est
tranquille : il va faire beau, assure-t-il.
Effectivement, le soleil éclaire le lac de retenue
de Bious-Artigues, dont le niveau d'eau
semble avoir encore baissé depuis notre dernière ve
nue à la fin août. A cette altitude (1427
m), le thermomètre de la voiture affiche 4°C. Nous
apercevons sur le flanc d'un pic une légère
couche de gelée blanche, trop mince, à ce qu'il sem
ble, pour être due à une chute de neige.
Les colchiques ont percé la croûte durcie de la ter
re et égayent les prairies de leurs fines
corolles mauves tendues vers l'azur. Les fleurs app
araissent en fin d'été, puis la plante
disparaît jusqu'au printemps suivant. C'est à cette
époque que les feuilles ainsi que les fruits
émergent. Comme l'hellébore, que les autochtones de
la côte nord-ouest de l'Amérique du
Nord utilisaient principalement comme anesthésique
local, la fleur de colchique contient une
toxine alcaloïde, la colchicine. Celle-ci possède d
es propriétés antimitotiques, c'est-à-dire
qu'elle bloque les mitoses (divisions cellulaires).
Elle est utilisée par exemple dans les crises
aiguës de goutte.
Nous quittons rapidement le chemin des 7 lacs et ob
liquons vers la gauche, en direction du col
de Peyreget situé entre le double pic d'Ossau (qui
culmine à 2884 m) et le pic de Peyreget
(2487 m) que gravissent Richard, Max et Xavier en s
upplément ("pour le fun") tandis que
Jean-Louis et moi passons la crête ventée pour piqu
e-niquer en contrebas, face aux deux petits
lacs. La dernière partie de l'ascension, que j'appr
éhendais un peu, a été plus courte que dans
mon souvenir, mais tout aussi éprouvante pour moi :
je déteste ces chaos d'énormes blocs de
pierre entre lesquels s'insèrent des fragments en é
quilibre plus ou moins stable qu'il faut
escalader en pariant qu'ils ne basculeront pas sous
le poids, ou bien enjamber, se glisser dans
les interstices, descendre, remonter, contourner en
contrôlant qu'on reste à proximité des
cairns, pierres empilées sur les pierres, qui serve
nt de repères pour ce qu'on ne peut vraiment
pas qualifier de sentier. En plus, l'appréhension a
idant, le vide (pas très grand, mais quand
même) entre les roches me fait tourner un peu la tê
te, et je dois faire des pauses pour rajuster
ma vue qui se trouble et mon souffle qui s'accélère
, avec l'effort de l'ascension, mon
imagination et l'anticipation d'accidents possibles
. Jean-Louis m'attend, quelques mètres plus
haut, tandis que les trois autres ont déjà passé l'
obstacle facilement et galopent hors de ma vue
jusqu'au col... La montagne n'est pas égale pour tous.
Lorsque les autres nous rejoignent, nous explorons
les abords du petit lac. Sous nos pas
jaillissent des dizaines de minuscules grenouilles
de l'herbe grasse et bien verte. Il est difficile
de ne pas en écraser. Les amas de têtards vus lors
de notre dernière balade ont achevé leur
métamorphose. Certaines sautent dans l'eau très fro
ide et s'immobilisent, comme mortes
d'hydrocution. En fait, si l'on approche un de nos
bâtons de marche, elles se remettent à
bouger. Sans doute la température de l'eau proche d
e zéro les a anesthésiées. Une discussion
s'élève, à propos des poissons des lacs d'altitude.
Je me demande (et demande à mon
entourage) comment ils sont arrivés là. Sans remont
er à l'apparition des premiers poissons,
par mutation de gènes d'animaux qui les précédaient
dans l'ordre de la création, j'imagine
qu'une espèce donnée apparaît en un endroit et se r
épand ensuite progressivement en circulant
d'un cours d'eau à l'autre. Pour un lac aussi élevé
en altitude, dont l'eau s'écoule vers l'aval
sous forme de cascades, ruisselets ou en diffusant
dans la terre pour réapparaître sous forme
de résurgences, comment a-t-il été peuplé ? Les ami
s éclatent de rire devant l'absurdité de ma
question, et disent que ce sont les associations de
pêcheurs ou l'organisme des Eaux et Forêts
qui se sont chargés de les approvisionner en poissons.
En fait, le site que je trouve après coup donne rai
son à tout le monde. En le parcourant, je
retrouve le sujet qui m'a tellement frappée lorsque
j'ai vu le film "le cauchemar de Darwin"
qui traite de la "perche du Nil", poisson non autoc
htone introduit par des Européens dans un
grand lac de Tanzanie qui a été à l'origine d'un dé
sastre écologique et humain inqualifiable. A
plus petite échelle, l'intervention humaine dans le
peuplement de nos lacs et rivières crée des
déséquilibres néfastes et difficiles à contrôler (e
xemple donné dans le site du vairon - ou
rabotte -, petit poisson qui a été implanté pour no
urrir les truites - également issues d'élevages
piscicoles - et qui, en fait, dévore les oeufs de c
elles-ci, et les fait disparaître en peu d'années).
C'est que nous ignorons encore tant de choses à pro
pos des poissons, ainsi que le soulignait le
directeur de l'INRA de Saint Pée-sur-Nivelle qui av
ait fait un exposé au groupe d'Indiens
venus dans notre région sous l'égide de l'associati
on Perspectives Asiennes, et qui nous parlait
des recherches en cours sur le plan mondial pour am
éliorer le rendement des piscicultures et
réduire les nuisances induites par leur exploitation.
Une fois restaurés, nous reprenons le sentier en di
rection du col de Suzon, dont nous
apercevons la crête brillante de givre. Le flanc su
d en est dépourvu, mais tous les bouquets
d'herbes exposés au nord sont couverts d'une épaiss
e couche de glace ciselée en peignes (ou
antennes de papillon) accrochés le long de chaque b
rin d'herbe. Eclairée par le soleil gelé (le
vent souffle avec force), toute la montagne scintil
le comme un champ de joyaux déposés sur
la roche : une merveille ! La descente jusqu'à Biou
s-Artigues nous semble très facile (sauf
pour Xavier qui souffre beaucoup des pieds à cause
de ses chaussures neuves qui ne sont pas
encore "faites"), et nous arrivons trop tôt (16 heu
res) pour patienter jusqu'au soir et déguster la
garbure comme l'autre jour. Tant pis, nous nous con
tenterons d'une bière pour les uns, ou d'un
chocolat chaud pour les autres avant de retourner sur la côte...