C'est bien de
partir plusieurs jours d'affilée, et d'essayer de gérer son effort sur la durée.
La coupure par rapport au quotidien se fait plus facilement que lors d'un court
séjour et la détente est plus profonde. Bien sûr, nous ne pouvons pas comparer
notre petit périple au véritable pélerinage du Moyen Age, où les gens partaient
sans rien, mal chaussés et mal habillés, sans remèdes, avec pour seul secours en
cas de besoin ces hôpitaux créés par les Ordres religieux, et seul hébergement
la belle étoile ou l'accueil chez l'habitant, et je ne parle même pas de la
nourriture.
Malgré l'inconfort
relatif par rapport à notre vie sédentaire, nous bénéficions d'un gîte à
intervalle régulier réservé aux pèlerins (il faut présenter notre "credencial"
et le faire tamponner pour bénéficier du prix très réduit), de relais pour nous
approvisionner, nous restaurer et boire, et même de boutiques spécialisées dans
les gros bourgs qui offrent tout le nécessaire au pèlerin : sparadrap pour
ampoules, onguents divers, coquille St Jacques et clochette, bourdon,
paracétamol et ambre solaire...
Je dois malheureusement
y avoir recours dès le second jour. Comme Jean-Louis s'achetait avant notre
départ de nouvelles chaussures de marche, la vendeuse, voyant les chaussettes de
tennis qu'il enfilait pour les essayer, s'est récriée d'horreur, déclarant qu'il
fallait impérativement prendre des chaussettes "respirantes" (le dernier cri)
pour que les pieds ne baignent pas dans leur sueur. J'en ai donc fait aussi
l'acquisition, et je crois qu'elles ont été à l'origine des multiples ampoules
et points d'échauffement dont j'ai souffert, ainsi que d'une zone rouge irritée
et boursoufflée de pustules au niveau des chevilles.
Les pieds de plus en plus sensibles, il m'a fallu changer de position
de jambes pour marcher, ce qui m'a provoqué des courbatures musculaires... Bref,
déjà que mes compagnons prenaient beaucoup sur eux pour ralentir leur allure
naturelle, il a fallu qu'ils fassent des pauses de plus en plus fréquentes pour
m'attendre : heureusement qu'ils étaient patients !
Je crois que j'aurais beaucoup de difficultés à vivre ailleurs qu'en Europe : je suis particulièrement sensible au charme de ces tout petits villages dominés par leur église au clocher toujours différent. Quel dommage que la plupart soit dans un état de délabrement avancé ! L'exode rural fait beaucoup de mal et les maisons s'écroulent à qui mieux mieux, alors que la campagne est toujours entretenue par un nombre réduit d'agriculteurs super-équipés de magnifiques moissonneuses-batteuses flambant neuves que nous entendons ronronner dans le lointain. Soudain, l'une d'entre elle arrive à toute vitesse et semble ne pas vouloir freiner malgré la présence des piétons sur le sentier. Richard bondit dans le fossé, affolé. Un moment plus tard, Max en fait autant. Xavier continue, imperturbable, son petit bonhomme de chemin tandis que la machine amorce un demi-tour pour continuer son travail en sens inverse. Ouf !
Un peu plus loin, ce sont les machines "empaqueteuses" qui
modèlent de grands parallélépipèdes de paille qui sont ensuite gerbés en hauteur
sous forme de grands murs odorants que des camions embarquent sur leur remorque.
Le système est différent du nôtre, qui génère de gros cylindres de paille
entourés de plastique abandonnés en plein champ durant une partie de l'année.
Nous regrettons qu'une bonne partie de cette portion du chemin de Saint Jacques
de Compostelle ne soit pas réellement aménagée, et que nous soyons obligés de
longer les routes, plus ou moins passantes.
Les camions
ont de nouveau le droit de circuler et ne s'en privent pas. Ils nous rendent
l'arrivée au second gîte plutôt désagréable, tant leur passage incessant et
bruyant nous incommode.
C'est d'ailleurs dans un restaurant de routiers situé en plein virage après un pont que nous sommes obligés de dîner (très bien d'ailleurs, l'intérieur étant très soigné et parfaitement insonorisé, avec un service chaleureux). Le gîte est un peu moins confortable que le précédent, avec une salle au plafond plus bas, située au premier étage (avec les douches au rez-de-chaussée), trop chaude et meublée de lits superposés. Avec mes courbatures, j'ai toutes les peines du monde à escalader le mien (sans échelle), et c'est Jean-Louis, le lendemain matin, qui devra me réceptionner dans ses bras tellement mes muscles des jambes sont raides et douloureux (un peu de crème et l'échauffement de la marche, et ça repart !).
Quant au dernier gîte, nous y échapperons, Xavier,
Jean-Louis et moi, en partie par faute de place (4 pour 5) et aussi parce que
nous avons besoin d'une bonne nuit de récupération. Mes compagnons ont réalisé
qu'il me fallait une bonne après-midi de repos, étant donné les grosses étapes
(pour moi) que nous avions parcourues les deux jours précédents et surtout en
raison de l'état de mes pieds.
Nous avons
donc déjeuné dans une auberge à la décoration chargée, mais charmante, un peu à
l'anglaise ou l'allemande, avec des bouquets de fleurs séchées partout, pléthore
de bibelots, d'anciennes photos de la vie d'autrefois, juste à temps avant
l'arrivée des foules affamées, puis nous y avons fait la sieste, avant de
visiter un parc archéologique, avant goût du site authentique du paléolithique
visible seulement en payant une randonnée en 4x4 de 3 heures (que nous n'avons
pas souhaitée faire). Nous avons été bien inspirés : les pauvres Richard et Max,
restés au gîte, près de l'église (comme toujours) ont dû supporter un boucan du
diable, le jeune Belge ne supportant pas les ronfleurs qu'il s'évertuait à
réveiller - un peu plus et il créait une émeute ! Max a failli se fâcher... Le
matin, ils étaient réveillés dès 5 heures et, n'en pouvant plus, sont venus sous
nos fenêtres nous héler à 7 heures -10 (nous avions convenu 7 heures 1/4) pour
nous faire émerger plus vite de nos plumes.
Jérôme (toujours le jeune Belge, échâlas sympathique et
bavard) nous avait averti que l'arrivée dans Burgos serait désagréable, et que
nous risquions d'avoir les bronches prises par les multiples fumées d'usine et
la pollution : en fait, nous avons simplement été incommodés par l'odeur d'une
papèterie lointaine, et surtout par la circulation très dense
car nous
étions obligés de marcher sur le trottoir le long d'une large voie d'accès
principale - l'exagération des nordiques ! -. En fin de matinée, nous étions à
bon port, au pied de la cathédrale, que nous avons visitée avec un immense
plaisir, elle est vraiment superbe, avant de déjeuner sur la place. J'étais
tellement fatiguée que je n'ai plus songé à consulter les horaires de départ du
bus pour le retour à Nájera, et nous sommes arrivés 5 minutes en retard à la
station ! Le prochain départ était 2 heures 1/2 plus tard. Prenant notre mal en
patience, nous sommes allés faire la sieste sur les berges de la rivière puis
nous avons visité un musée d'anciens instruments de musique du monde entier à
l'intérieur d'une tour à l'entrée de la vieille ville avant de prendre le bus et
retrouver notre voiture au bord d'une autre berge, celle de la
Najerilla...
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Participants : Richard, Max, Xavier C., Jean-Louis, Cathy Date : 25 au 28/07/2005 |
Sur les chemins de Saint Jacques de
Compostelle |
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