Trois jours après, profitant de l'incapacité momentanée
de Richard à marcher (il a fait un footing sur le béton de la promenade
des plages à Anglet et souffre du tendon d'Achille), Max nous propose, à
Jean-Louis et moi-même, de découvrir "la voie bleue" de l'Irubela. Une de
ses relations d'escalade la lui a recommandée, en certifiant que nous n'aurions
pas "à mettre les mains" (c'est à dire à escalader), mais qu'il faudrait
faire attention.
Les indications sont maigres : après Xumus (prononcer
choumouche), continuer sur la piste et bifurquer à gauche sur un pont, la
piste est marquée de bleu. Nous trouvons effectivement un pont formé de
grosses dalles grises, et une vague marque bleue sur une pierre au sol.
Malheureusement, nous ne prenons pas garde à la fourche et choisissons le
sentier le mieux tracé, sur notre droite. Nous perdons plus d'une
heure à le suivre, nous étonnant de ne pas monter et de longer uniquement
le ruisseau. Nous regagnons la piste, rejoignons de nouveau le pont, et
constatons que nous nous sommes trompés dès le départ. Une fois sur le bon
chemin qui lui, grimpe très raide, nous voyons très régulièrement des marques
bleues sur les roches ou l'écorce des arbres.
C'est une voie qui n'a
pas été empruntée depuis fort longtemps : elle disparaît sous les frondaisons,
des fougères plus hautes que nous dans lesquelles se cachent des ronces
envahissent le chemin et forment un entrelac inextricable avec les rameaux
des buissons de l'année. Jean-Louis et moi avons rapidement les jambes écorchées
de partout et le sang coule sur ma chaussette.
La pente est raide, il fait lourd malgré le plafond nuageux, et la sueur
qui coule en continu sur notre peau collante attire les taons qui s'accrochent
de façon suicidaire à nos veines, provoquant de grosses cloques rouges (pas
pour Max, qui n'est pas allergique). La claque mortelle arrive souvent trop
tard, le mal est fait.
Tandis que le murmure du ruisseau s'éloigne
au fur et à mesure de notre progression vers le sommet, le vrombissement
des insectes et le crissement des grillons occupent l'espace sonore, parfois
traversé par un cri d'oiseau, choucard ou vautour qui plane avec aisance
d'un val à l'autre. Max, trouvant que Jean-Louis n'écarte pas suffisamment
les ronces devant moi, se dirige soudain vers un arbre dont il arrache une
branche pendante. Sortant son couteau, il en retire les rameaux inutiles,
formant un bâton solide de bois vert dont il use comme d'un coupe-coupe,
frappant de droite et de gauche avec obstination et régularité pour nous
frayer un chemin dégagé. Nous avons l'impression d'être en Amazonie, en
pleine forêt vierge, moins les serpents venimeux, heureusement !
Finalement, ce n'est pas si mal de ne pas trop voir où l'on va. Le sentier
est très étroit, sur une pente à pic, et par moment, un cri prévient : attention,
précipice ! et nous devons enjamber le départ d'un trou qui se perd dans
le vert des feuilles omniprésentes. Ailleurs, ce sont des gravillons qui
roulent sous nos chaussures crantées, puis une terre poussiéreuse et glissante
qui pourrait devenir une patinoire, par temps humide, et toujours cette
pente très prononcée (60% ?) qui nous oblige à nous arquebouter sur les
bâtons où nous accrocher aux rochers ou aux plantes.
Ce chemin est vraiment
très différent de celui que nous connaissons, et nous avons le sentiment
de gravir une autre montagne. Les points de vue diffèrent également, et
nous avons du mal à nous repérer, cherchant en vain où situer la voie normale
que nous suivons d'ordinaire.
Une pause bienvenue près d'un gros bloc de grès
rose nous permet d'admirer la foule de vautours fauves qui tournent inlassablement
et s'approchent de nous, histoire de voir si nous ne serions pas un futur
repas froid, qui sait ? Ensuite, le paysage change, nous nous approchons
des nuages qui se déposent en gouttelettes d'argent sur les fils des toiles
d'araignées tendues entre les buissons de myrtilles. Qu'importe ! Plus nous montons, plus ces derniers se couvrent de fruits
délicieux, qui bleuissent nos doigts et nos lèvres gourmandes. Jean-Louis
peste : il n'arrive pas à les cueillir assez vite pour se rassasier, peut-être
devrait-il opter pour la méthode des ours malheureusement disparus de nos
contrées, et mordre à belles dents dans les buissons !
La suite du chemin est plus facile. Nous voilà de l'autre côté de la forêt que nous traversons d'ordinaire, puis enfin sur des cimes aérées à la végétation plus rase, et ces rochers branlants et glissants qui m'inquiètent toujours. Nous redescendons par la sente classique que nous montons d'ordinaire, et Max remonte en courant la route depuis Xumus jusqu'à la voiture... même pas fatigué !
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Ah ! la côte
basque ! |
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La promenade autour de
Saint Pée sur Nivelle (10/07/2005) - Le sentier du littoral (14/07/2005) -
La voie bleue de l'Irubela
(17/07/2005) |