Londres 2005


28/02 au 3/03/2005

Participants : Richard, Sabah, Sammy, Xavier, Max, Michèle, Julien, Jérémy et Cathy


 

 


Récit de Cathy

La ville est calme. Du fonds de mon lit, j'entends un corbeau qui croasse gravement tandis que des mouettes excitées échangent des cris suraigus. La cloche de l'église, tout près, sonne les matines. Clip-clop, clip-clop, un cheval ? Trois cavaliers avancent au beau milieu de la rue vide de voitures : c'est la police montée de Londres ! Quelle heure peut-il bien être ? Le ciel est déjà clair, quelqu'un s'agite dans les bureaux en face. J'ai l'impression qu'il est 8 heures passées, mais le décalage horaire me trompe, il n'est que 7 heures et quart, à l'heure du méridien de Greenwich.

Hier midi, je me baignais dans l'océan à Anglet, et en fin d'après-midi, nous étions dans une Londres frissonnante sous les flocons de neige. C'est agréable d'avoir une liaison directe par avion depuis chez nous, et à un tarif exceptionnellement bas, puisque nous avons effectué toutes nos réservations très à l'avance par internet, avion, navette "aéroport de Stansted-Londres" et hôtel compris, en naviguant sur le web pour trouver les conditions les plus avantageuses. Par contre, les consommations dans l'avion sont payantes et excessivement onéreuses. C'est bizarre de voir les hôtesses transformées en vendeuses à la criée, proposant des en-cas chauds ou froids, des boissons, des cartes à gratter, des produits détaxés, des journaux, etc. à payer en espèces (livres sterling ou euros) en prévoyant l'appoint, s'il vous plaît, car elles ne peuvent pas rendre la monnaie ! Il n'y a pas de petits bénéfices...

Nous avons décidé de visiter Londres à pied, puisque nous avons la chance d'être hébergés dans le centre, non loin de la gare Victoria, dans un grand hôtel de brique un peu vétuste et fruste (sur le plan sanitaire) qui donne sur le Vincent Square. Il fait un froid de canard, le ciel est plombé, mais notre moral au beau fixe : Londres est une ville très plaisante, elle mêle avec bonheur l'ancien et le moderne, les immeubles sont de taille modeste, et la circulation fluide, presque uniquement composée de bus rouges et de taxis noirs ou placardés de publicité, quelques scooters et pas mal de vélos (dont beaucoup de coursiers), les voitures particulières étant sévèrement cantonnées hors du périmètre central par une taxation prohibitive. Des caméras de surveillance permettent un contrôle à distance, et la police est omniprésente, avec un hélicoptère qui tourne au-dessus de Buckingham Palace en permanence. Les pompiers et les ambulances sillonnent les rues, annoncés de loin par leurs sirènes aiguës assourdissantes.

Nous sommes rapidement au bord de la Tamise dont le lit est bordé de grèves caillouteuses colonisées par les oiseaux de mer. La marée est sensible jusqu'ici, affirme Richard, elle est probablement basse ce matin (elle l'était également hier soir, lors de notre petite balade de reconnaissance nocturne à notre arrivée). Des navires à quai sont recyclés en restaurants, des bateaux-promenade font des va-et-vient, nous voyons aussi un bâtiment de guerre. Quant à la marine commerciale, elle doit se situer plus en aval, je ne me souviens pas d'avoir aperçu de grandes barges et les ponts ne me paraissent pas assez hauts pour les gros tonnages.

Les monuments, de même que les maisons, ont bénéficié d'un sérieux lifting qui leur donne un air de gaîté malgré ce temps maussade. Dans les "Victoria Tower Gardens" est érigée une petite gloriette dont l'inscription nous frappe : elle rappelle que l'émancipation des esclaves ne remonte qu'à la date tardive de 1834, sous l'égide de Charles Buxton M.P. et de son père Sir T. Fowell Buxton. Près de la Victoria Tower se dresse la célèbre composition d'Auguste Rodin "Les Bourgeois de Calais", dont les personnages sont criants d'authenticité et d'expressivité. J'admire le palais de Westminster, ancienne résidence royale (du XIe au XVIe s.) de style gothique, composé des "Houses of Parliament" ("House of Lords" et "House of Commons") et de "Westminster Abbey" dont les façades sont finement ajourées et découpées comme une vraie dentelle. Malgré les groupes que nous voyons entrer, nous ne sommes pas autorisés à en faire la visite : le public n'y accède qu'à partir de 11h30 et il n'est que 9h et demie.

Tous les noms de rues sont suivis de la mention "City of Westminster". Je suis intriguée : je pensais être à Londres, pourquoi cette spécification ? En réalité, comme toutes les grandes villes, Londres a commencé à s'étendre rapidement et, vers 1500, ses constructions atteignaient la ville voisine de Westminster. D'ailleurs, la plupart des édifices publics importants de "Londres" sont en fait dans la ville de Westminster, toujours mentionnée comme telle sur sa signalétique. Par exemple, le Roi s'adressait au parlement à Westminster Hall, où siégeait la Maison des Lords (The House of Lords). La Maison des Communes (The House of Commons) se réunissait dans le bâtiment adjacent, St Stephen's Chapel. Le tribunal de droit coutumier du roi et la "Cour du Banc du Roi" (the Court of King's Bench - peut-être les assises ? -) siégeaient également à Westminster Hall. Westminster Abbey était l'abbaye la plus riche du royaume. La première imprimerie de William Caxton fut installée entre les deux contreforts de la maison de Westminster Abbey.

Des slogans hurlés dans des hauts parleurs attirent notre attention, de même qu'une densité policière incongrue : des manifestants palestiniens (pas plus d'une cinquantaine), brandissant des banderoles en anglais et en arabe, ont fait accourir toutes les télévisions dont les camionnettes emplissent une rue latérale. Des tireurs d'élite (?) s'installent sur une terrasse, et nous voilà brusquement projetés dans une Londres moderne, multiculturelle et impliquée dans les conflits du monde. Nous restons prudemment en retrait, constatant qu'ici comme ailleurs les policiers en exercice sont obligés de se cacher le visage pour ne pas être pourchassés personnellement par d'éventuels terroristes. Plus loin, ce sont des affiches pacifistes qui sont dressées le long du trottoir, et dans une rue adjacente, nous apercevons des Bouddhistes ou autres religieux orientaux en train de faire du prosélytisme.

Je reviens à la prohibition des voitures particulières dans le centre de Londres. Quelles villes voulons-nous ? J'ai le souvenir de Venise, ville sans voiture (merveilleux pour les visiteurs), sans enfants, sans écoles, presque sans commerces d'alimentation et de fournitures domestiques, parfaitement artificielle, dédiée au tourisme et à l'histoire. Chaque matin, devant notre hôtel londonien, nous avons vu passer à pied le long du Vincent Square des parents d'origines ethniques diverses menant leurs jeunes enfants à l'école. Mais pour combien de temps ? Le ravalement des façades et la réhabilitation des bâtiments anciens s'accompagne certainement d'un enchérissement de l'habitat qui devient inaccessible aux jeunes couples, condamnés à habiter de plus en plus loin des centres villes et de leur lieu de travail. L'interdiction des voitures est un inconvénient certain pour les familles nombreuses expédiées elles aussi dans la grande banlieue. Ce n'est pas que je milite pour la voiture, mais je pense que le problème est simplement déplacé. Il n'y a qu'à voir le stress que nous avons eu pour le retour à l'aéroport de Stansted, situé à 60 km au nord de Londres, avec notre navette de bus bloquée d'embouteillage en embouteillage, qui n'arrivait pas à s'extirper de cette mégapole. L'effort énorme consacré au transport en commun (train, bus et taxis) dans le centre n'est pas équilibré par un budget comparable dans des banlieues à l'habitat moins concentré.

J'ai eu le sentiment d'être transportée dans l'ambiance d'un de ces manga japonais que Nicolas affectionne. En effet, ces caméras et cette police omniprésente, l'impossibilité de circuler librement, la protection des immeubles par des vigiles embusqués qui surgissaient au moment où nous prenions des photos pour nous l'interdire, tout cela m'a laissé une drôle d'impression : les instances du pouvoir protégées à tout prix dans un petit périmètre "privilégié", encerclé par des banlieues moins "esthétiques" et probablement moins sûres également, sur le plan de la sécurité des personnes et des biens (j'ai vu en repartant par la navette de l'aéroport des maisons abandonnées, derrière d'anciens jardinets emplis d'ordures et de déchets divers, des bâtiments délabrés, des environnements bien moins "léchés" que le centre, sans parler de cet encombrement automobile étouffant et paralysant).

Je sais également que la vie est tellement chère que les gens doivent s'entasser en nombre dans des appartements minuscules, et cumuler plusieurs jobs pour s'en sortir financièrement. J'ai acheté à Anglet, avant de partir en voyage, un petit roman en V.O. qui décrit une ambiance voisine de celle du film Fish and Chips, où l'on découvre la difficulté d'adaptation de la communauté indo-pakistanaise à Londres, et le racisme doublé de violence des Anglais blancs-blancs à l'égard de ces gens dits "de couleur". Pas étonnant que les Anglais émigrent massivement vers la France, et tout particulièrement vers les villages et campagnes de notre sud-ouest !

Puisqu'il est trop tôt pour visiter le Westminster Palace, nous nous dirigeons vers le London Eye. A part Max qui dédaigne de monter dedans, nous profitons de la faible affluence pour y faire un tour et avoir une vue panoramique sur Londres faiblement éclairée par un soleil voilé. La rive droite nous semble beaucoup plus moderne que la gauche, avec des bâtiments à l'architecture futuriste grandioses.

Ensuite, nous partons d'un bon pas pour ne pas rater la relève de la garde à Buckingham Palace devant la caserne des Horse Guards (gardes à cheval). C'est vrai que c'est très folklorique, et qu'il faut bien l'avoir vue une fois. Pourquoi les Anglais conservent-ils leur monarchie, c'est un mystère ? Entretenir cette noblesse, tout ce décorum, cette garde à cheval, ce trésor (que nous avons vu à la Tower of London) et j'en passe, c'est une charge financière certainement très importante qui pourrait être réinvestie plus utilement. Enfin... c'est le charme de l'Europe, d'être composée de pays si divers et de sensibilités si différentes. Et puis nous aussi, nous ne sommes pas épargnés par les dépenses somptuaires de nos dirigeants !

La garde reste tellement longtemps figée face à face que nous finissons par nous lasser de les admirer et partons déambuler dans les rues de Soho et Picadilly Circus, mangeons un bout et allons visiter le British Museum. A propos de repas, c'est tout un problème pour trouver un lieu adéquat lorsqu'on est en famille ! Les Anglais ne veulent pas nourrir les enfants ! Interdiction d'entrer dans des pubs avec eux, même s'ils proposent aussi des repas, seuls sont possibles les restaurations rapides du style Mac Do, Fish and Chips ou alors des restaurants italiens ou indiens. En plus, ils sont intraitables et je dirais même désagréables, comme si les enfants étaient des pestiférés. Je veux bien qu'il y ait une protection des mineurs et que l'on ne puisse pas leur servir à boire d'alcools, mais avec ce froid de canard, il fallait bien pouvoir nous poser quelque part pour nous réchauffer ! Ce qui est bizarre, c'est que nous avons pu entrer dans un bar-restaurant anglais, le deuxième jour, sans aucun problème vis à vis des enfants : la loi ne paraît pas être la même pour tous les établissements. Par contre, comme il était près de 3 heures de l'après-midi, ils ont attendu que nous soyons confortablement installés à nos tables pour effacer les 4,99 £ (50 F) du menu pour les remplacer sans complexe par un 6,99 £ (70 F) - y compris pour les enfants - ! Après l'heure, ce n'est plus l'heure !

C'est un vrai plaisir de se balader dans le centre de Londres. Les quais de la Tamise sont agréables. Par endroits sont aménagées des voies piétonnes à l'écart de la circulation automobile où nous pouvons musarder en suivant du regard les mouettes, cormorans ou autres sternes qui vaquent à leurs occupations comme si nous n'existions pas. Etonnamment, malgré le froid, de nombreux arbustes sont en fleurs et les Anglais adorent parsemer leurs pelouses publiques de bulbes d'où émergent les tiges hautes de lumineux narcisses et les longs pétales côniques de crocus couleur colchique. Les tulipes pointent leurs feuilles, prêtes à s'épanouir au premier redoux.

Je suis étonnée de voir des cadrans solaires dressés un peu partout dans cette ville célèbre pour son "fog" et son "smog" (contraction de "smoke" -fumée- et "fog" -brouillard-), défis à la grisaille et emblèmes de l'assainissement spectaculaire de l'air, qui n'encrasse plus (ou moins ?) les murs ni les poumons. Nous voyons bien le jour de notre retour à Anglet que Londres peut aussi être une ville très claire et ensoleillée, la Tamise bleue du bleu du ciel et les monuments magnifiés par la lumière.

Nous suivons Richard qui nous mène dans ces endroits mythiques que je ne connaissais que par mes livres scolaires, Soho, Picadilly Circus autour de la statue d'Eros, Trafalgar Square avec la Nelson's column devant la National Gallery, St Paul's cathedral, que nous ne visiterons pas, en raison de son ticket scandaleusement onéreux, la City et ses employés cravatés, China Town (et oui, ce n'est pas qu'à San Francisco !), etc. Les architectures sont très variées, depuis la maison moyennageuse à colombage (aux poutres apparentes) comme à Bayonne, en passant par les façades de brique rouge aux fenêtres cernées de blanc, très coquettes, avec les "bow-windows" caractéristiques, que côtoient des immeubles futuristes aux façades de verre et de métal.

Nous visitons la "Tower of London" près de "Towerbridge" en long en large et en travers : elle a été construite initialement par Guillaume le Conquérant (qui était un Normand) en 1078. Elle est composée de plusieurs bâtiments ceints de remparts, chacun contenant une exposition différente. Le premier explique sur des panneaux l'histoire du lieu : c'est ainsi que nous apprenons qu'aucun mur n'a résisté aux outrages du temps, et que nous sommes dans une reconstitution pas du tout d'époque et même parfois très tardive. A l'origine, il s'agissait d'une demeure royale, où vivait la famille royale et ses serviteurs, ainsi que la Cour tout entière. Le Roi avait un gros travail de bureaucracie, puisqu'il voyait personnellement tous les documents, transferts de terres ou autres. Bien que ce soit très dispendieux, il était très bien vu de participer à une croisade, preuve de courage et de foi et valorisante une fois revenu au pays.

Un autre bâtiment qui exhibe une vaste panoplie d'armures et de lances moyennageuses est pourvu de deux cheminées dont la facture m'étonne : il s'agit des premières cheminées introduites par les Normands (après l'an 1000). Celles-ci sont pourvues d'un âtre et d'un conduit qui perce en biais le mur épais pour l'évacuation des fumées. Pas encore de tuyau de cheminée à proprement parler, mais une amorce. Avant, le feu se faisait au milieu de la pièce, la fumée s'échappant par des interstices dans le plafond. Nous découvrons dans une enceinte protégée comme un coffre-fort de banque le trésor royal, présenté par plusieurs cours métrages sur grands écrans, diadèmes, sceptres, couronnes, cuillère et vase d'or et de bijoux incrustés, vêtements d'apparat, etc. Je tiens à assister dans une tour d'angle à une petite scénette entre trois personnages qui fait revivre l'époque où la Tour de Londres tenait emprisonné dans ses murs le dernier roi d'Ecosse, capturé par le roi d'Angleterre. Les autres m'attendent dehors, sous la neige battante. Enfin, avant de sortir de l'enceinte, Max insiste pour voir la "salle des tortures" qui se résume à peu de chose (un collier à pointes et une table à écarteler), puisque ce moyen coercitif était peu utilisé dans le pays.

Deux jours, c'est très court, et nous sommes constamment pris entre deux envies : celle de rester dans les endroits qui nous plaisent et d'en profiter pleinement, comme par exemple la visite du British Museum où il y a tant à voir et à apprendre, nous perdre dans Soho ou, pour Michèle, visiter Harrods et le quartier de Camden, et, d'autre part, celle de "tracer" et dévorer des kilomètres à pied pour se faire une idée de la ville dans sa globalité, voir un peu tout et recueillir un caléidoscope d'impressions. C'est dur de choisir, et nous répétons périodiquement le leit-motiv : il faudra revenir, quand nous reviendrons, nous ferons..., nous verrons..., nous visiterons...

 

 

 

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