Ce samedi matin 28 février 2004, j'ai eu la surprise de trouver le jardin enneigé. Les primevères jaune pâle dressées sur leur tige perçaient le mince tapis blanc, apparemment insensibles au froid ambient. Un oiseau mécontent cacardait du côté du lycée Cantau. Les autres pépiaient joyeusement comme à l'accoutumé. Je me dépêchai de prendre mon petit déjeuner pour voir si la neige avait également tenu sur la plage. Las ! J'arrivai trop tard. Les arbres des jardins le long de la route dégoulinaient de neige fondue sur les trottoirs et les pelouses des espaces verts précédant les plages étaient transformées en marécages. Seul le pied des palissades dressées comme chaque hiver au tiers de la plage pour éviter, je pense, que le sable ne soit trop enlevé par les fortes marées, gardait une trace de neige, et quelques recoins des rochers des épis, mais sinon, il n'y avait rien d'exceptionnel à voir, sinon de lourds nuages noirs qui roulaient depuis l'horizon au-dessus de la crête des vagues retroussées. J'étais déçue, mais déçue...
Je repris la voiture pour voir si la neige avait mieux tenu derrière le cordon dunaire qui arrête un peu l'air trop doux et iodé. En effet, les traces étaient plus étendues et persistaient davantage dans la forêt de Chiberta. Quel plaisir de voir l'églantier fleuri dont l'apparence printanière contrastait avec le fin tapis neigeux, la blancheur de ses corolles rivalisant avec les cristaux pour capter les rayons du soleil!
Dans un jardin voisin de notre point de rencontre habituel pour le footing à la fontaine de Chiberta, un tulipier déployait ses grosses fleurs mauves, tandis que les mimosas aux branches fines chargées de pompons jaunes peinaient à répandre leurs senteurs sucrées dans l'air vif et saisissant. Surpris par le refroidissement soudain, des brins d'herbe nouvelle malgré leur apparente fragilité continuaient de se dresser vaillamment, sans jaunir ni se friper. Les compagnons de footing arrivèrent peu à peu et nous accomplîmes notre parcours habituel en trottinant. Ce qui était amusant, c'est que Denis revenait du désert tchadien où il avait fait une longue marche de huit jours, et Dadou et moi l'écoutions décrire la chaleur (30°C) qui régnait dans ces confins du Tibesti, où dominait le minéral, sable et massifs rocheux mêlés, aux couleurs chaudes et à la clarté aveuglante. Il évoquait les nuits étoilées, les peuplades d'anciens esclaves noirs isolés dans des oasis déshéritées dans un dénuement affligeant, les risques, dans les régions voisines, de sauter sur les mines laissées par les belligérants, et les peintures rupestres représentant le passé révolu d'un Sahara vert et empli d'une faune nombreuse et variée...
Ensuite, nous sommes allés nous baigner, comme d'habitude. Le premier à se tremper entièrement fut Jean-Michel, surpris par une vague traîtresse. Richard, malade, nous soutenait moralement depuis le sable, avec Jean-Louis qui prenait les photos. C'est étonnant comme nous rentrons facilement dans l'eau désormais, sans nous poser trop de questions. Evidemment, nous ne restons pas des heures, comme les surfeurs. Sans combinaison, ce ne serait pas prudent, nous tenons juste, suivant les fois (et les individus) entre 4-5 minutes et 10 mn - un quart d'heure maximum. L'étonnant, c'est que nous n'avons pas froid en sortant. Nous sommes même plutôt écrevisses, la peau réagissant fortement à la différence de température. Très rapidement, elle s'insensibilise et nous devons parfois nous forcer pour sortir, tant nous nous sentons à l'aise dans l'eau, car nous craignons d'en supporter le contrecoup a posteriori. Systématiquement, malgré la douche chaude prise au local, je suis parcourue de frissons environ dix minutes-un quart d'heure après, bien que je sois de nouveau chaudement habillée et à l'abri dans un local chauffé, et nous rions à la vue des doigts blancs de Jean-Louis B.