28 et 29 septembre 2002
Participants : Christine (organisatrice) et Jeannot Ladeveze ; Cathy, Jean-Louis et Jonathan Constant ; Michelle, Julien et Jérémy Duez ; Xavier Cenderent et Pascale ; Serge et Mikela Cueli ; Elisabeth et Jean-Louis Bessou ; la famille Gilbert ; Adila ; amis et enfants de Serge Cueli et des Ladeveze (certains nous rejoignent le second jour).
Le récit de Cathy
Ondarroa
Christine avait pourtant bien fait les choses : en tant qu'organisatrice, elle avait donné à chacun une liasse de feuillets avec la description des sites à visiter, l'organisation du week-end et des cases à cocher pour la réservation des guides. En plus, le temps est superbe depuis au moins une quinzaine de jours et nous avons été nombreux à nous inscrire (Survoler la photo de Christine avec la souris pour la liste des participants). Seulement, dès le départ, tout est allé de travers. L'actualité politique ne nous a pas permis d'aller au musée Guggenheim de Bilbao. Une voiture sur les sept qui composaient notre petit convoi n'a pas eu l'information pour le lieu du pique-nique. Jean-Louis a doublé tout le monde, pensant se débrouiller avec le petit billet indiquant le village où se rendre. Xavier a raté la sortie de l'autoroute à Orio, suivi de deux autres voitures et a fait un long détour. Le belvédère du village d'Aia était introuvable, et, sur l'indication d'un jeune ouvrier du bâtiment qui a vu défiler toutes nos voitures les unes après les autres, nous nous sommes rendus à sept kilomètres de là (sans atteindre le but
escompté, et avec deux des réservoirs d'essence sur quatre dans le rouge) tandis que les trois autres équipages choisissaient l'option de déjeuner plus bas après avoir fait quelques allers-retours à notre recherche dans le village : vraiment la pagaïe !
Nous avons fini par nous rejoindre. Dans un brouhaha général fusaient les explications et les récits d'errance au milieu des rires et des exclamations. Décidés cette fois-ci à ne plus nous quitter, nous nous sommes suivis à la queue-leu-leu jusqu'au poste d'essence d'Orio puis sur l'autoroute où nous avons convenu de sortir très vite à Deba. Mais Jeannot est de nouveau allé trop vite, sans doute distrait par ses compagnons, et nous avons été les seuls, en queue de peloton, à virer au bon endroit, tandis que le groupe s'éloignait. La côte du Guipuzkoa et de la Biscaye est vraiment magnifique. Faisant contre mauvaise fortune bon coeur, nous avons décidé d'en profiter seuls. Entrecoupée de pauses aux belvédères pour admirer la vue sur les falaises et la mer, notre route a suivi les circonvolutions du relief montagneux. Apercevant depuis les hauteurs le sable fin de la plage de Deba, Richard n'a plus tenu, il fallait qu'il se baigne. Il a entraîné à sa suite Anna, Jonathan et Jean-Louis, et ils ont plongé dans l'eau fraîche (18° C) tandis que je marchais, à l'exemple des Espagnols, sur le "paseo" de sable humide et dur à l'orée des vagues infimes de la marée basse étale et qu'Alida, restée sur la jetée, allait jusqu'au promontoire qui surplombe la plage.
Revigorés par cette halte, nous nous sommes sentis plus disposés à faire un peu de tourisme. L'Espagne ne paraît pas encore sensibilisée aux nuisances de la circulation automobile : la route principale passe par le coeur des villes, sans déviation ni rocade, et la vitesse moyenne s'en ressent fortement. L'intérêt, c'est que nous visitons davantage, à l'ancienne, et nous laissons tenter par des haltes que nous n'aurions pas faites, sinon. A Ondarroa, le village est en pleine fête médiévale. Nous y retrouvons Beñat, Michèle et Elisa, des amis de Christine et Jeannot qui font partie de notre équipée touristique. Une grande majorité des habitants est déguisée, depuis le bébé dans sa poussette jusqu'à l'arrière-grand-père, en passant par les mères de famille et les adolescents. A chaque fenêtre pend un dessus de lit, blanc en général, où est cousu un petit bouquet d'oeillets rouges ou divers ornements selon l'inspiration, sans oublier les slogans inévitables en Pays Basque marqués sur des banderoles ou à même les murs. Nous nous garons presque à la sortie du village et redescendons au port par un escalier interminable aux abords peu engageants, emplis de gravas et détritus divers : c'est un peu "la zone", sans les malfrats des films américains. Sur la place, des jeunes femmes affublées de costumes divers défilent sur des chevaux menés par des hommes. De la paille a été répandue dans les rues momentanément piétonnes où sont installés les stands du marché médiéval.
De la grande église pendent des filets en draperies brunes et ocres qu'observent les gargouilles romanes. Au balcon d'une maison de pierre ancienne se penche une princesse vêtue de bleu au chapeau pointu. Chiffonnant une écharpe de dentelle blanche, elle fait mine de pleurer, et hèle les passants au bord de la rivière dont les eaux translucides hébergent des petits bans de longs poissons gris sombre, peut-être des muges. Une musique d'enfer nous attire à la porte d'un bar où dansent des jeunes femmes en habits d'époque qui nous font de grands signes. Je les laisse à regret. Il faut tout de même que nous allions rejoindre les autres au port d'Elantxobe. Nous achetons quelques plaques de chocolat et une bonne miche de pain, et reprenons la route.
Elantxobe
Nous traversons Lekeitio où une déviation nous envoie dans le trou à rats du port : nous voilà coincés entre des voitures mal garées face à un Espagnol qui ne veut rien savoir, dans une rue qui ne devrait même pas être ouverte à la circulation. Enfin, la situation évolue et nous pouvons souffler un peu et prendre la peine de profiter du paysage. L'Espagne n'a pas de législation sur le style des bâtiments, résultat, on trouve tout et n'importe quoi, et je dirais même le pire : des immeubles genre biscotte dressés à des endroits incongrus, des coloris, des formes aberrantes, aucune unité de style dans une région donnée, mis à part pour les maisons les plus anciennes (qui se font rares). De toute façon, le prix du terrain est tellement élevé qu'ils en sont réduits à faire des immeubles serrés à faire peur et que les villas ne sont accessibles qu'aux privilégiés de la fortune. Pas étonnant que les habitants passent leur vie dehors, particulièrement le soir : au moins, là, ils respirent. Ils sont même tellement adaptés à ces inconvénients qu'ils trouvent bizarre que nous, Français, ayons plaisir à rester chez nous le soir et que les rues se vident soudainement dès 19 heures.
Elantxobe
Nous traversons Lekeitio où une déviation nous envoie dans le trou à rats du port : nous voilà coincés entre des voitures mal garées face à un Espagnol qui ne veut rien savoir, dans une rue qui ne devrait même pas être ouverte à la circulation. Enfin, la situation évolue et nous pouvons souffler un peu et prendre la peine de profiter du paysage. L'Espagne n'a pas de législation sur le style des bâtiments, résultat, on trouve tout et n'importe quoi, et je dirais même le pire : des immeubles genre biscotte dressés à des endroits incongrus, des coloris, des formes aberrantes, aucune unité de style dans une région donnée, mis à part pour les maisons les plus anciennes (qui se font rares). De toute façon, le prix du terrain est tellement élevé qu'ils en sont réduits à faire des immeubles serrés à faire peur et que les villas ne sont accessibles qu'aux privilégiés de la fortune. Pas étonnant que les habitants passent leur vie
Après avoir vu tant de beaux paysages, nous sommes presque déçus en arrivant à Elantxobe (prononcer Elantchobé). C'est vrai que ce village étagé sur la falaise qui donne sur le port en bas est pittoresque mais, bof !, ce n'est pas si vivant qu'Ondarroa où nous serions bien restés davantage. Enfin, nous avons retrouvé les autres, c'est déjà ça. Et Jean-Louis qui se demandait s'il ne valait pas mieux aller directement au gîte : ils nous auraient attendus longtemps ! (Nos mobiles n'ont pas l'option internationale et nous ne pouvons pas communiquer entre voitures). En nous attendant, ils ont vu une petite curiosité : ils ont fait l'ascension de la falaise par les rues en pente du village et ont assisté à la manoeuvre du bus qui fait demi-tour au bout de sa ligne sur une plaque tournante, comme à San Francisco.
Une fois fait le tour du port, nous roulons vers Guernika, que nous dépassons en nous demandant quelle est cette énorme usine qui exhale ces fumées disgracieuses par ses cheminées. Nous saurons plus tard qu'elle utilise le bois des forêts de conifères alentour pour en faire des agglomérés, contreplaqués etc. qui sont vendus dans toute l'Europe. La lutte est âpre pour la rendre "propre", notamment en matière de rejets de fumées justement, car elle est équipée d'une station d'épuration des effluents liquides. Comme chez nous, l'entreprise estime que ces dépenses d'intérêt général devraient être prises en charge par l'Etat ou la Communauté Autonome Basque, qui lui rétorquent que c'est au pollueur de réduire à ses frais les nuisances qu'il occasionne.
La nuit est tombée. 20 heures passées, et nous errons toujours à la recherche du gîte : nos 7 voitures font demi-tour sur la voie très passante de Guernika vers Bilbao, pleine de virages. Ce n'est pas possible, nous sommes allés trop loin. En fait, le gîte est dans un hameau (Gorozika) rattaché administrativement au village de Muxika (Mouchika). Christine se fait guider par téléphone et nous finissons par arriver dans cette "Barnategia". L'accueil est chaleureux, aucun problème, nous sommes en Espagne, ce n'est pas grave si nous dînons tard. C'est une très grande maison qui sert de centre d'hébergement pour des classes d'adultes ou d'enfants qui souhaitent passer une quinzaine de jours en immersion totale de basque (linguistiquement parlant). Comme une partie du groupe parle basque, le contact est immédiat.
A gauche de l'entrée se situent trois salles de classe, deux consacrées à l'étude proprement dite, et une plus spécialisée dans les travaux manuels. Des plaquettes imprimées au nom de l'établissement sont empilées sur des tables, avec photos et suggestions d'activités. A droite, un escalier descend au réfectoire (en sous-sol, comme beaucoup de restaurants en Espagne), et un autre monte à l'étage des chambres familiales. Le deuxième comporte des dortoirs. Nous sommes seuls (si l'on peut dire) et notre hôte nous donne le choix. Bien sûr, nous préférons le premier et chacun choisit sa chambre. Les enfants, tout excités, se mettent tous dans la même, se répartissent les lits-bateau et mettent les parents devant le fait accompli : ils préfèrent dormir ensemble. La maison est tenue impeccablement : les sanitaires sont nickel, le plancher craque agréablement, les chambres, aux fenêtres basses ornées de rideaux, n'ont pas un grain de poussière. Seule curiosité : les poutres qui charpentent la bâtisse sont maintenues par des barres de fer ou des plaques avec de grosses vis pour les assembler. Dominique en rencontrera une très brutalement de la tête en grimpant dans son lit à une heure du matin après sa partie d'échecs avec Jean-Louis... Attenant à la maison, un mur à gauche fera la joie des sportifs le lendemain matin.
Après le dîner, les enfants montent dans leur chambre et les adultes passent dans le séjour. Une partie de mus (prononcer "mouche", sorte de poker basque) s'organise. Jean-Louis et Xavier s'attablent devant un jeu de dames, puis le jeu d'échecs est sorti. Les autres se groupent autour du jeu de scrabble. L'hôte nous explique le fonctionnement du bar : que ce soit alcools, tisanes ou boissons diverses, il suffira de noter nos consommations sur un petit carnet, et il les ajoutera au montant de la demi-pension le lendemain matin. Voilà, c'est simple.
Urdaibai
Ce dimanche matin, nous avons rendez-vous avec le guide à Busturia. Par erreur, après la traversée de Guernika, Jeannot tourne à droite au panneau indiquant Forua et, en faisant demi-tour avec les six autres voitures, j'aperçois les vestiges romains dont j'avais vu la photo à la Barnategia (très branchée écologie et histoire locale, en plus des racines basques) : vu la taille, il s'agit sans doute des fondations d'une ancienne villa romaine. En fait, la région est habitée depuis la préhistoire. La grotte de Santimamiñe (Kortezubi) est ornée de peintures rupestres de l'époque magdalénienne (15000 ans av. J.-C.) d'une qualité égale à celles d'Altamira sur la corniche cantabrique. C'était une région de forêts parcourues par des cerfs et des sangliers (entre autres).
Après l'ère des glaciations, vers 9000 av. J.-C., s'initia une nouvelle forme de culture paléolithique "la cultura de los concheros" (la culture des mangeurs de coquillages), extraits de la "ría" (fjord basque ou estuaire profondément envahi par la mer), qui formaient l'alimentation de base des humains. C'est probablement au néolithique, vers 5000 av. J.-C. que la langue basque devint un trait d'union et de communication entre les populations.
L'influence de la culture indo-européenne du fer se fit sentir durant les derniers siècles du premier millénaire av. J.-C, vers le IIème siècle av. J.-C. Les nouveaux arrivants s'installèrent dans des lieux stratégiques où ils pouvaient contrôler les voies de communication terrestres et fluviales les plus importantes. Des vestiges de cette culture se trouvent à Marueleza (Nabarniz), Kosnoaga (Gernika) et Iluntzar (Nabarniz) ainsi qu'au Sanctuaire de Gaztiburu (Arrazua).
Quant à l'époque romaine, c'est la "ría" de Guernika qui offre le plus grand nombre de témoignages : la stèle de Morga (IVème siècle), les objets de Peña Forua, les vestiges de Portuondo et d'autres zones de la côte. Ces sites se trouvent sur de petits promontoires naturels le long de la rive gauche de la "ría", en relation avec le trafic maritime de cabotage entre la Méditerranée et l'Atlantique nord et l'exploitation des ressources naturelles de la région (mines de fer et marbre).
Le guide nous explique ce qu'est Urdaibai : il s'agit d'un site classé "réserve de la biosphère" par l'Unesco en 1984. C'est un ensemble de deux vallées (principalement celle de la "ría" de Guernika où nous nous trouvons et une autre sur l'autre versant des collines qui bornent l'horizon). Il insiste sur un point crucial : ce n'est pas seulement la préservation d'un espace naturel, mais également celle d'un écosystème où l'homme occupe une grande place. L'émission de Thalassa qui nous avait donné envie de venir nous a induits en erreur, mettant l'accent sur la faune sous-marine et les oiseaux migrateurs, nous montrant surtout la "ría" et l'étendue marécageuse. Nous nous attendions à marcher le long de l'eau, les pieds dans le sable, sur un sentier au milieu des joncs et guettant les oiseaux de mer (comme à la réserve du Teich, au bassin d'Arcachon). Pas du tout ! Richard et Serge seront tellement déçus qu'ils se désintéresseront de la visite guidée, en troublant même le cours à plusieurs reprises, comme des écoliers turbulents.
Un autre problème se pose également : le guide s'exprime en espagnol et je fais l'interprète, avec l'aide des autres membres hispanophones du groupe. Mais Serge, qui ne parle pas espagnol, est par contre bilingue français-basque et les quatre enfants qu'il a amenés sont scolarisés en ikastola (école basque). Il demande donc à ce que le guide s'exprime plutôt dans cette langue, et c'est lui qui ferait la traduction en français. Bien sûr, le guide ne parle pas français (ou très peu), ce qui aurait résolu la question. Enfin, un consensus est trouvé pour un discours majoritaire en espagnol, avec quelques apartés en basque (d'ailleurs moins scrupuleusement traduits au reste du groupe).
Nous pénétrons dans la partie dépourvue d'habitations en traversant la voie ferrée de l'Eusko-Tren (le Topo local) qui relie Bilbao à Bermeo, je crois, et qui longe la rive de l'Oka au plus près, puis la "ría". Le guide nous montre la végétation d'aulnes et de saules, typique d'un sol humide, et leur remplacement progressif par le tamaris vers la côte, car il est plus résistant à l'air iodé et à la salinité du sol. Une cabane d'observation des oiseaux vient d'être faite par des bénévoles. Nous l'inaugurons. Les volets sont relevés vers l'intérieur, la lunette est fixée sur son trépied, orientée vers les oiseaux en faible nombre qui se trouvent sur la rive opposée.
Urdaibai se trouve sur le trajet des oiseaux migrateurs pour lesquels cette zone semi-marécageuse offre un havre de récupération, particulièrement les jours de pluie ou de tempête. Aujourd'hui, il fait très beau, donc les oiseaux du grand nord (Scandinavie, Europe de l'est) préfèrent poursuivre leur route vers l'Afrique (Sénégal), leur lieu d'hibernation. Il est encore un peu tôt d'ailleurs pour pouvoir profiter de la vue des grands vols migratoires qui s'effectuent surtout en octobre-novembre. Nous observons des mouettes, qui plongent dans les eaux poissonneuses, et les cormorans au col sombre. Ils pêchent dans les mêmes lieux mais ne se font pas concurrence. En effet, les cormorans, qui nagent sous l'eau en groupe, coordonnent leur action de façon à rassembler leurs proies en une masse compacte pour s'en saisir plus facilement. Pris au piège, les poissons sautent hors de l'eau pour passer la barrière des volatiles. C'est alors que les mouettes entrent en action, plongeant à qui mieux mieux à l'extérieur du cercle pour se saisir des fuyards.
Au bout d'une branche émergée se dresse un martin-pêcheur. C'est très rare de les observer ainsi, immobiles. J'en ai vu un qui rasait les flots de la Nive, éclair vert et rouge, près de la piste cyclable de Bayonne à Ustaritz, mais c'est un plaisir bref. Les limicoles arpentent le sable mou, plongeant leur bec pointu dans la vase à la recherche des animalcules. Ici aussi, les oiseaux ne se font pas concurrence mais sont complémentaires, attrapant une certaine catégorie de mollusques ou crustacés en fonction de la longueur de leur bec. L'un d'eux est particulier : au lieu d'avoir un bec fin, comme les autres, il l'a plutôt court et large. Il s'en sert comme d'un pic pour fracasser les coquillages. Le guide complète ses explications en nous montrant sur un livre les photos des oiseaux dont il parle.
Nous quittons la cabane et avançons vers une autre zone particulière de la réserve. L'intérêt, nous dit-il, c'est la diversité des sites sur une zone réduite qui constituent autant d'écosystèmes différents. Il y a trois siècles, les habitants ont souhaité s'approprier ces zones planes occupées par des marais et la "ría" et ils ont entrepris de les remblayer pour les ensemencer de céréales. Des digues ont été construites, munies d'écluses fermées à marée haute et ouvertes à marée basse pour permettre l'écoulement du trop-plein d'eau et l'assèchement des terres. Avec l'exode rural, ces champs ont été convertis en prairies sur lesquels paissaient le bétail. Enfin, la main d'oeuvre ne cessant de diminuer, l'entretien des digues et des écluses n'a plus été possible et l'eau de mer, à l'occasion des tempêtes hivernales, s'est de nouveau appropriée les lieux, rendant les terres incultes. Désormais la végétation change progressivement. L'herbe est remplacée par des plantes qui supportent l'eau saumâtre, selon une gradation visible à l'oeil nu, depuis celles qui ont toujours les racines dans l'eau jusqu'à celles qui ne sont inondées que périodiquement. Cette zone contente les oiseaux qui préfèrent le pourtour des zones humides et ne pêchent pas. D'ici quelques dizaines d'années, ces "polders" auront totalement disparus et la zone sera de nouveau totalement immergée à marée haute.
Gaztelugatxe
L'après-midi est bien avancée lorsque nous reprenons la route. Heureusement, elle n'est pas trop longue et nous n'aurons à effectuer qu'une seule marche arrière (à sept voitures) pour nous être aventurés inconsidérément et comme un seul homme dans un cul de sac. Nous voulions nous baigner à Mundaka, où il y a théoriquement la fameuse vague des surfers, invisible aujourd'hui avec cette marée basse et très calme, mais nous sommes déçus par le cadre et nous préférons attendre encore un peu. Sur l'île à l'embouchure de la "ría", le guide nous avait déconseillé la baignade car les égoûts se déversent non loin de là. La transparence des eaux est trompeuse...
Nous avons bien fait : le cadre est enchanteur. L'île de San Juan de Gaztelugatxe est reliée à la côte par un pont de pierre et 237 marches mènent à son sommet, où se dresse un ermitage. La légende raconte que Saint Jean Baptiste y arriva après avoir débarqué à Bermeo où il fit trois pas qui se gravèrent dans la roche du chemin. Cet ermitage fut fondé au Xème siècle, attribué en donation au monastère de San Juan de la Peña près de Huesca et subit plus tard divers sacages et incendies qui l'ont totalement détruit. Maintenant, il y a une petite église et un bâtiment annexe.
Cette portion du littoral a été cataloguée comme Biotope protégé. L'îlot voisin, Aketze, est un lieu de reproduction pour 200 couples d'oiseaux de mer. Sur la falaise poussent des espèces endémiques comme l'Armeria euskadiensis. Sur les fonds marins à dominante rocheuse croissent des algues géantes comme les Laminaires ou Saccorhizas entre lesquelles nagent le bar, le congre et la murène. A moindre profondeur se trouvent les oursins, anémones de mer, poulpes et holoturies, sans parler des pouces-pieds, mollusques fort appréciés des autochtones.
Nous profitons de la clémence des flots pour descendre nous baigner dans ces eaux limpides (mais fraîches), puis observons à plaisir anémones et oursins dont nous montrons les charmes et les dangers aux plus jeunes. Enfin, détendus, il ne nous reste plus qu'à faire l'ascension de l'île et rêver au sommet, en regardant la mer...