13 janvier 2002
Participants : Cathy, Jean-Louis, Max et Michèle, Pierre (organisateur) et Rose, Richard, Sylvie et ses enfants Julien et Diana, Féridoun, Jean-Luc, Jeannot et Christine, Jean-Louis B
Le récit de Cathy
Falaises d'Hendaye (13 janvier 2002)
Fera-t-il aussi beau qu'hier ? A 8 heures du matin, les rayons du soleil n'arrivent encore pas à percer l'épaisse couche de nuages et de brouillard qui cache l'horizon à l'orient. Par contre au-dessus, le ciel, quoique sombre, semble limpide. Il fait très doux et les prévisions sont à la pluie. Pierre, inspiré par la balade de dimanche dernier de l'Adour à Bidart, a proposé de découvrir un nouveau tronçon de la côte, au bas des falaises du château d'Abbadia à Hendaye. L'heure de la marée basse est moins propice (10h30) et il faut donc nous lever de bonne heure pour ne pas risquer de réitérer l'histoire des amants de la Chambre d'Amour... Nous nous garons au parking d'Abbadia situé non loin du bout de la grande plage que nous rejoignons avant d'orienter nos pas vers le nord. Pour la plupart d'entre nous, c'est une découverte.
Tout le monde connaît la plage d'Hendaye, immensité de sable fin arpentée sur toute sa longueur en été au ras des vagues mourantes par les Espagnols rassemblés en petits groupes à l'heure du "paseo". Mais nous ne nous étions jamais aventurés au pied des falaises que j'imaginais d'ailleur longées par une bande de sable. Il n'en est rien : les rochers s'allongent de toutes parts, découverts par la marée basse, rendus glissants par l'humidité encore présente et surtout les algues vertes, véritables patinoires à éviter à tout prix si l'on ne veut pas chuter lourdement. Les creux sont emplis d'eau de mer, les coquillages morts aux carapaces incrustées dans la roche offrent une rugosité bienvenue. Des algues brunes aux bouclettes denses et rêches présentent également un parcours plus sûr, quoique parfois bien spongieux. La falaise est vive, ce qui signifie que les chocs répétés des boutoirs liquides que forment les vagues inégales provoquent de temps à autre des éboulements, ce dont, fort heureusement, nous ne serons pas témoins durant notre promenade. Cependant, il nous faut passer parfois sur des éboulis branlants, déjà lissés et arrondis par le frottement permanent, et la concentration est à son comble pour éviter à nos chevilles une torsion malheureuse.
Nous prenons tous conscience que l'absence de dénivelé n'est pas tout, et que la difficulté de la progression, associée à l'air marin, peuvent occasionner autant de fatigue que l'ascension d'un pic montagneux. Nous sommes récompensés de nos efforts par la vue superbe de la côte et des falaises que nous découvrons sous cet angle inhabituel. Nous admirons les Jumeaux, en calcaire rose plus dur qui tient tête aux éléments hostiles, témoins du recul de la côte. La végétation s'y accroche encore et les oiseaux marins, protégés par l'isolement bi-journalier de la marée haute et leur accès escarpé, y ont élu domicile. Mouettes, goélands et noirs cormorans se reposent de leur pêche et, peut-être, choisissent au printemps ce lieu sûr pour nidifier. Nous grimpons à mi-pente pour plonger notre regard dans la grotte creusée chaque jour un peu plus à l'heure de la marée haute. Pierre raconte qu'il aime y aller en été sur son petit canoë gonflable en plastique d'où Rose se penche, masque plaqué sur le visage, pour observer les fonds marins et les petits poissons. Par moments, les mouettes emplissent l'air de leurs criaillements aigus, puis se calment, après avoir fait place à quelques congénères supplémentaires sur cet espace restreint.
Je me rappelle le temps où, petite fille, mes grands-parents nous faisaient découvrir au Port-Vieux à Biarritz la faune minuscule nichée dans chaque creux de rocher découvert par marée basse. J'ai l'impression qu'elle s'est beaucoup raréfiée, peut-être en raison de l'accroissement des foules estivales qui piétinent ces écosystèmes fragiles. Mes frères et soeurs et moi-même apprenions à pêcher les poissons minuscules, crevettes et étoiles de mer à l'épuisette ou à la main, nous les conservions une heure ou deux dans nos petits seaux de plage, le temps de faire admirer nos prises, puis, à l'instigation de nos grands-parents, les rejetions à l'eau, jeu cruel mais inoffensif. Seules quelques jolies étoiles de mer n'en réchappaient pas, que nous ramenions à la maison pour les exposer dans notre vitrine à coquillages, séchées après une longue agonie silencieuse, les bras tordus dans un ultime sursaut. Maintenant, les rochers sont presque vides et il faut nous éloigner beaucoup du rayon d'action des estivants pour commencer à trouver dans les creux des anémones de mer aux tentacules verts ou bruns, des oursins et mollusques divers enfouis dans leur coquille, bigorneaux, huîtres, chapeaux chinois, et même une operne.
J'apprends que cet animal bizarre, fixé à la roche telle une algue branchue, est considéré comme un mets de choix par les Espagnols qui viennent le récolter chez nous, jusqu'à l'embouchure de l'Adour. Il faut le cuire, puis le casser en deux comme une pince de crabe pour en recueillir la chair enfouie dans les branches tubulaires. Michèle, fin gourmet, détache un oursin de la pointe du couteau et m'en fait goûter la chair savoureuse, douce et goûteuse à la fois. De même que pour l'huître, il faut faire abstraction du fait que nous mangeons un être vivant pour profiter pleinement de la jouissance de nos sens gustatifs... Un peu plus loin, c'est Max qui détache une huître de petite taille et de forme irrégulière dont il déguste avec délectation la chair imbibée d'eau salée. Jean-Louis B., moqueur, nous menace de mille morts, disant que ces mollusques ont d'autant plus de goût qu'ils sont arrosés par les eaux d'égoûts de la ville voisine. Jeannot fait chorus, mais nous n'en avons cure. Ce n'est pas pour une bouchée que nous courons grand risque, et, de même qu'un fruit cueilli sur l'arbre a bien meilleur goût qu'acheté au magasin, ces fruits de mer resteront dans mon souvenir associés à cette promenade hivernale.