La Korrikleta
"Korrikleta", mot inventé, fait de deux mots basques signifiant courir et bicyclette. C'est l'association Ibaïalde, dont font partie Jean-Louis B. et Elisabeth pour les activités chorale basque et danse (salsa), qui organise chaque année une course originale, dans une ambiance bon enfant. Il s'agit de parcourir une vingtaine de kilomètres avec un vélo pour deux, la répartition durant le trajet entre la course à pied et le V.T.T. se faisant à l'amiable entre les partenaires. Certains prennent cela très au sérieux : tenue moulante de rigueur, muscles apparents que ne cachent aucuns sweat-shirt, pull ou anorak, malgré la fraîcheur certaine qui règne en ce dimanche matin 25 novembre 2001. Le nombre de participants n'est pas énorme, rien à voir avec l'Hirukasko ou le demi-marathon de Béhobie-Saint Sébastien : il y a 76 couples d'inscrits, ce qui permet d'étaler agréablement les départs pour que nous ne nous gênions pas sur les sentiers étroits.
Evidemment, Max était là dès 9 heures, toujours très en avance, puis je suis arrivée à 9 heures et demie (heure prévue), et nous avons attendu un bon moment encore avant que Jean-Louis B. n'arrive, puis Pierre, Rose et enfin Jean-Paul. C'est que cela commençait à urger : les inscriptions devaient théoriquement être prises à 9 heures et les premiers départs étaient prévus pour 10 heures.
Enfin, il n'y avait pas de quoi s'affoler. Les organisateurs, installés dans un camion au côté ouvert (comme celui d'un boucher ambulant), annonçaient les informations au micro ou laissaient la musique basque, de rigueur, envahir l'espace et chauffer (moralement) les participants. Un groupe de Bordelais du Haillan, je crois, venus faire la fête durant trois jours au Pays Basque, avait été réquisitionné pour préparer la paëlla. Ils ont commencé à allumer les bûches pour que les braises soient suffisantes afin de préparer la paëlla en douceur, sans la brûler. A raison de trois équipes à chaque fois, les coureurs ont été appelés puis ont démarré, très, très rapidement pour certains.
Il paraît que la bonne technique, pour faire un bon temps, m'a expliqué Max après coup, c'est que le cycliste fonce à l'avant, puis laisse le vélo sur le bas-côté pour son compagnon qui s'en saisit, le rattrape, puis le dépasse à son tour, et ainsi de suite, en une course poursuite où celui qui se repose n'est pas obligatoirement le cycliste, car le trajet ne comporte que très peu de tronçons routiers, la plupart du temps, il s'agit de sable, plus ou moins mou. Nous sommes à Blancpignon, près des abattoirs d'Anglet (endroit romantique, s'il en fut). Nous partons très vite vers le bord de l'Adour, que nous longeons sur une piste caillouteuse et cahotique, où je crains à tout moment de chuter dans la rivière.
Puis, sous la protection de gentils bénévoles qui arrêtent les voitures aux intersections du tracé de la course avec les routes, nous gagnons le sable dunaire, très mou et encombré de buissons, de racines et de troncs d'arbres, déblayé fort sommairement, entre les petits lacs de la Barre et la nouvelle piste cyclable qui me fait bien envie. Après avoir traversé l'avenue des plages, nous plongeons dans la forêt de Chiberta, par un sentier bien dammé et recouvert d'aiguilles de pin qui nous repose jambes et bras.
J'ai oublié de préciser que Max fait équipe avec Jean-Paul et qu'ils parcourront les deux boucles, soit 18 km ; Rose fait du vélo avec Pierre, qui porte le petit de 3 ans d'une amie participante sur un siège bébé - ils sont hors compétition et font une simple boucle en roulant le plus possible sur la route ; et enfin Jean-Louis B. fait équipe avec moi, et nous nous bornerons à la moitié du trajet, avec un arrangement original : je garde le vélo en permanence, tandis que Jean-Louis court. En fait, Jean-Louis courait si vite que j'étais tout le temps derrière ou à côté, et je perdais beaucoup de temps (et d'énergie) dans les montées de sable mou et les passages d'obstacle.
Quelques haltes nourricières sont prévues, avec gobelets d'eau, quartiers d'orange, raisins secs et pruneaux cuits. Nous en profitons pour bavarder un peu avec les "tenancières" qui nous cochent le ticket accroché au vélo. Enfin, nous gagnons par une petite route la dune du Lazaret. Nous prenons la montée qui mène à la salle de Jorky-Ball et Racket-Ball, puis au centre portugais, mais ensuite, fini le bitume, il faut porter le vélo jusqu'au sommet de la dune. La montée est courte, mais dure ! Après, ce sera la récompense. Je ne m'étais jamais promenée dans ce petit bois qui est, à ma grande surprise, très propre et relativement entretenu.
Le regard plonge de temps à autre sur les flots de l'Adour. Un mélange heureux d'essences végétales offre à l'oeil ravi la palette déployée des couleurs de l'automne. En plus, et cela n'est pas à négliger, les pentes ne sont pas trop raides et les sentiers bien tassés, c'est un véritable plaisir, doublé de celui de découvrir de petites maisons construites avec goût qui bénéficient d'un calme étonnant, comme si elles étaient en pleine campagne, alors que la route qui mène à la Barre est si proche à vol d'oiseau. Evidemment, comme nous sommes partis les derniers et que nous avons fait quelques haltes, les champions, partis une demi-heure avant nous, nous doublent en criant "Place, place" et arrivent avant nous ! Heureusement que nous ne sommes pas susceptibles...
A l'arrivée, nous renfilons nos anoraks et attendons en devisant que Max et Jean-Paul finissent leur deuxième tour. Un immense plat rectangulaire en métal a été posé sur les piles de briques au-dessus des braises. Les Bordelais cuisent la paëlla, et utilisent des cuillères de bois aussi grandes que les rames des trainières de l'association qui trônent à l'envers, stockées au sec près du hangar industriel aménagé. Je rêve : j'ai vu une affiche au mur où un voyage est prévu au Canada pour parcourir le Saint Laurent en trainière...
Enfin, nos compagnons arrivent et nous attendons les derniers participants pour assister à la remise des prix (un béret et une coupe). Cela traîne trop : l'apéritif, ce sera pour une autre fois ! Seuls Max et Jean-Paul y goûteront, car ils se décident finalement à rester pour déguster la paëlla si odorante que nous en avons tous l'eau à la bouche...